Zurbarán (sur)naturel : lumière, matière et spiritualité

L'art de Zurbarán ne se limite pas à sa maîtrise de la lumière ou à sa précision dans la représentation de la réalité, mais se distingue par sa capacité à créer une atmosphère qui semble transcender le temps et l'espace. C’est précisément ce que recherche l’exposition Zurbarán (super)natural, organisée par Àlex Mitrani et Joan Yeguas , que l’on peut voir au MNAC ce printemps.

Francisco de Zurbarán (1598-1664), l'une des figures les plus emblématiques du Siècle d'or espagnol, a développé un style basé sur le naturalisme baroque. Sa façon de peindre capture en détail la réalité visible et palpable, mais va en même temps au-delà de la simple apparence pour évoquer un sentiment de transcendance. À travers son œuvre, Zurbarán explore le sentiment religieux de son époque, créant des images qui montrent la dimension presque mystique de la vie quotidienne.

Natura morta d’atuells, Francisco de Zurbarán (1650). MNAC

L'un des points forts de l'exposition est la réunion des trois versions de La Vision de saint François du pape Nicolas V, provenant du Musée des Beaux-Arts de Lyon , du Boston Museum of Fine Arts et de la collection du MNAC . Zurbarán (sur)naturel confronte ces œuvres, ce qui nous permet de comprendre comment chacune apporte des nuances différentes à la même scène : le moment où le Pape contemple le corps momifié de Saint François dans la crypte d'Assise. Le peintre condense une action narrative complexe, se concentrant sur l'essentiel et ne montrant que la vision subjective du pape. Zurbarán dispose la figure de Saint François comme une œuvre d'art dans un musée, en travaillant avec la lumière, l'espace et les volumes, et lui donne ainsi force et présence prodigieuse, donnant l'impression que la momie du saint prend vie. La sensibilité de Zurbarán à la lumière et au volume transforme cette scène en une réflexion sur la perception, la matière et le mystère de la réalité.

Agnus Dei, Francisco de Zurbarán (1632). Col·lecció particular

L'un des aspects les plus intéressants est la restauration d'une des versions de La Vision de Saint François du pape Nicolas V, qui a révélé des éléments cachés sous des couches de peinture ajoutées au fil du temps et qui ont altéré l'aspect original de l'œuvre. Grâce à cette restauration, la profondeur de la scène peut être mieux perçue, mettant en valeur des détails tels que l'ombre projetée par le saint ou l'arc supérieur d'une niche, éléments que l'on retrouve également dans les versions de Lyon et de Boston. De même, le volume de la figure a été récupéré à travers des détails tels que les plis de l’habit ou la pilosité faciale – sourcils et barbe – qui peuvent désormais être appréciés. Outre les trois versions de Saint François, l'exposition réunit d'autres œuvres remarquables de Zurbarán, comme les deux versions de Nature morte aux vases, provenant du Musée du Prado et du MNAC, qui peuvent être vues ensemble à Barcelone pour la première fois.

Natura morta núm. 148, Toni Catany (1988). MNAC

Cette exposition va cependant au-delà d’une simple revue historique. L'influence de Zurbarán reste vivante jusqu'à aujourd'hui et est évidente dans l'œuvre d'artistes contemporains tels qu'Antoni Tàpies , Alfons Borrell , Joan Hernández Pijuan , Josep Guinovart , Antoni Llena , Francisco Martínez , Aurèlia Muñoz , Marta Povo , Toni Catan et Eulàlia Valldosera . À travers des langages divers – allant de l’abstraction à la photographie ou à l’installation – ces artistes continuent d’explorer la dimension spirituelle de la matière. Un double sens se crée entre les œuvres historiques et contemporaines et de ces associations naissent des questions sur la nature des images, la fonction révélatrice de l’art, la dimension métaphysique de la nature, la beauté et l’aspiration à une expérience religieuse fondée sur l’humble quotidien. L’exposition se déroule donc comme une séquence d’installations qui cherchent à immerger le visiteur dans un dialogue entre le passé et le présent, entre la tradition picturale d’un des âges d’or de l’histoire de l’art et les explorations visuelles de l’art contemporain.

SOS: senyals de fum des d’un subsol. Zurbarán. Antoni Llena (1942). Col·lecció de l'artista