Découvrir ce qui se cache sous la surface n’est pas seulement une question de contemplation, mais aussi de déchiffrement et, surtout, de questionnement. C'est ce que propose Opacitas. Voiler la transparence, l'exposition d' Anna Malagrida accueillie par le Musée Tàpies et sa première exposition monographique à Barcelone. Sous le commissariat de Patricia Sorroche , l'exposition vous invite à explorer les jeux d'ombre et de lumière, de visibilité et de dissimulation, que l'artiste barcelonaise a tissés tout au long de sa carrière.
Anna Malagrida (Barcelone, 1970) a construit une œuvre qui oscille entre le documentaire et la poésie visuelle. Son travail avec la photographie, la vidéo et l’installation ne cherche pas à refléter la réalité telle qu’elle est, mais plutôt comment elle pourrait être perçue sous différents angles. Avec un regard attentif sur l’espace urbain, ses images plongent dans la ville comme s’il s’agissait de strates archéologiques d’une société en transformation. Les murs, les fenêtres et les reflets deviennent des filtres qui révèlent et cachent en même temps, mettant en dialogue ce qui est vu et ce qui, même s’il n’est pas visible, est perçu. Selon Patricia Sorroche, l'exposition n'est pas seulement une visite de l'œuvre de Malagrida, mais un champ de réflexion sur ce que signifie regarder et voir. Il s’agit d’une exploration des frontières entre le visible et l’invisible, entre ce qui est montré et ce que l’on veut cacher, tant à l’échelle individuelle que collective.
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L'exposition, qui peut être visitée jusqu'au 28 septembre, trouve son origine dans le sous-sol d'une ville en crise : le Paris de 2008, où vivait alors Malagrida. Parmi les pièces exposées, on trouve Vitrines, une série photographique qui capture les vitrines des magasins qui, pendant la crise économique, ont été recouvertes de peinture blanche pour cacher les intérieurs vides. Cette même réflexion sur la barrière entre l’intérieur et l’extérieur est transférée à Le laveur du carreau, une installation vidéo dans laquelle un ouvrier nettoie à plusieurs reprises une vitre, faisant surgir et effacer des images de manière presque hypnotique. De cette profondeur émerge une perspective qui comprend la crise comme un espace de résistance, de résilience et, en fin de compte, de transformation sociale. Ainsi, l’œuvre de Malagrida se présente comme un geste poétique qui opère sur la possibilité du changement et de la reconstruction.
Le parcours de l'exposition comprend également 100k de décombres, une installation qui occupe l'espace avec une montagne de décombres qui empêche le visiteur de se déplacer librement, tout en se rendant visuellement présent. Le titre fait référence aux 100 milliards d'euros alloués au sauvetage bancaire espagnol après la crise financière, transformant l'espace du musée en une métaphore tangible de l'impact de ce moment.
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Au-delà de la ville, Malagrida nous transporte dans le désert jordanien avec Danza de mujer, où, à travers une fenêtre, on voit un voile onduler. L'intérieur de la maison fait référence à la figure féminine et évoque les polémiques autour de l'interdiction du voile dans l'espace public en France. Sans positions explicites, l’œuvre souligne comment certaines décisions politiques peuvent reléguer des communautés entières à l’invisibilité, remettant sur la table la dichotomie entre ce qui est vu et ce qui refuse d’être vu.
Dans Opacitas, l’idée de transparence se mêle à celle de résistance et de reconstruction : la ville, comme l’art, est toujours en train d’être refaite et toujours en train d’être transformée. Selon les mots d’ Imma Prieto , directrice du musée, il s’agit d’un projet subtil, poignant et puissant.
Rue Riboutté, Anna Malagrida (2008-2009). © Anna Malagrida / VEGAP, 2025.