La galerie RocioSantaCruz présente « Barcelona Universal KGB », une exposition qui récupère le regard singulier du photographe Javier Inés (Saragosse, 1956 – Barcelone, 1991), qui a documenté avec son appareil photo la transformation de Barcelone dans les années 1980, une décennie clé qui a culminé avec la célébration des Jeux Olympiques de 1992. Cette exposition, ouverte au public jusqu'au 29 mars, constitue une archive visuelle de grande valeur historique et artistique, qui révèle la dualité entre l'impulsion modernisatrice et institutionnelle.
Javier Inés s'installe à Barcelone en 1985, attiré par sa vie nocturne et sa culture. En plus de son travail de photographe, il a travaillé dans des lieux emblématiques tels que le KGB et le Distrito Distinto, ce qui lui a permis d'accéder et de capturer la scène underground. Son œuvre reflète la transformation de la ville à partir d’une double perspective : d’une part, l’institutionnalisation de la modernité, représentée par des architectes, des designers et d’autres créateurs qui ont anticipé la Barcelone du futur, et d’autre part, la résistance culturelle qui a eu lieu dans les cercles alternatifs et nocturnes.
Vicente Córdoba con muñecos, Javier Inés (1986)
Dans ses images, des figures du design postmoderne cohabitent avec des artistes bohèmes, des tribus urbaines et des personnages anonymes qui ont donné vie à la ville dans une période de changement accéléré. L’un des aspects les plus intéressants du travail de Javier Inés est sa capacité à capturer l’atmosphère des espaces où s’est développée une partie fondamentale de la culture alternative. Les bars, les discothèques et les galeries d’art improvisées ont servi d’épicentre à une Barcelone rebelle, qui a résisté à la domination de la modernité. Ses photographies montrent avec un style précis et émotionnel la vie quotidienne de ces personnages, souvent dépeintes avec gentillesse, humour et un jeu de lumière qui donne à chaque image un ton théâtral et intime à la fois. Ce regard attire le spectateur, lui offrant une perspective inédite de la ville, différente de celle qui était consolidée dans le discours officiel de la Barcelone pré-olympique.
Bodegón muñecas, Javier Inés (1983)
Javier Inés a exposé ses œuvres dans deux espaces emblématiques de la vie nocturne barcelonaise : le KGB en 1986 et El Universal en 1988. Malgré sa mort en 1991, son travail a été reconnu et rappelé par des personnalités telles que le photographe Colita, qui a mis en valeur son talent et a contribué à préserver son héritage. Grâce à Juanjo Rotger, son partenaire, ces précieuses archives photographiques ont été conservées intactes jusqu'à aujourd'hui. Aujourd'hui, plus de trois décennies plus tard, la galerie RocioSantaCruz accueille pour la première fois une sélection de ses photographies vintage, rendant accessibles au public des images qui non seulement documentent une époque et un lieu, mais racontent également une histoire de résistance culturelle et de créativité. L’exposition permet de redécouvrir son œuvre et de mieux comprendre le contexte historique dans lequel elle a été réalisée. Un hommage à Javier Inés et une fenêtre sur une Barcelone déchirée entre le passé et le futur, entre l’euphorie modernisatrice et la résistance underground.