La médecine et le cinéma transforment la perception du corps humain et de ses conditions à la fin du XIXe siècle, instaurant un dialogue entre les deux disciplines qui se manifeste notamment dans les représentations du corps malade entre 1880 et 1930, avec un parallèle notable entre le monde médical appareils de diagnostic et premiers outils de tournage cinématographique. Aujourd'hui, cette approche se concrétise dans l'exposition « A cos obert », inaugurée au Musée du Cinéma de Gérone le 13 décembre.
Cette exposition, organisée par Carolina Martínez, Carme Pardo Salgado et Alan Salvadó , explore le lien entre les technologies visuelles de la médecine et le cinéma des premières années. Les découvertes des rayons X par Wilhelm Röntgen ou des images microscopiques ouvrent des fenêtres sur l'intérieur du corps, tandis que les frères Lumière donnent vie aux premières images animées de paysages et de visages. Cette confluence fait de la représentation du corps malade un objet d’analyse artistique et sociale.
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A travers 62 photographies et 21 fragments audiovisuels, l'exposition s'articule en trois axes qui explorent la représentation du corps malade et son contrôle. Le premier axe aborde la vision anatomico-clinique, montrant comment la photographie et le cinéma ont dès le début révolutionné l'étude du corps, faisant de la maladie un spectacle. Ces images oscillent entre grotesques, rééducatives et souvent parodiques, avec des gags cinématographiques se moquant des progrès médicaux. Le deuxième axe se concentre sur la Grande Guerre et les pandémies, où le corps fragmenté et affecté devient témoin d’expériences traumatisantes. Ici, les photographies de guerre, pour la plupart anonymes, diffusent un regard théâtral sur le corps blessé, tandis que les maladies mentales des soldats sont rendues invisibles, contrastant avec la surexploitation visuelle de l'hystérie féminine, témoignant d'un parti pris de genre et de moralité. Enfin, le troisième axe aborde une perspective biopolitique, concept développé par Michel Foucault en 1976, qui analyse la manière dont le pouvoir gère la vie et le corps comme objets politiques. Dans ce contexte, l’architecture hospitalière et l’institutionnalisation des pratiques médicales illustrent cette perspective disciplinaire.
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L'exposition, qui peut être visitée jusqu'en avril, se veut également un projet informatif et met en évidence comment le regard scientifique, tant externe qu'interne, exercé sur le corps à cette époque, a eu une profonde influence sur l'art d'avant-garde, tous tout en consolidant un mécanisme institutionnel de contrôle sur le corps humain. Ce contrôle comprenait à la fois l'enregistrement et la fragmentation visuelle du corps, avec un impact évident sur la perception artistique et sociale. Dès le domaine médical, la caméra a commencé à être utilisée non seulement à des fins scientifiques, mais aussi pour établir une pédagogie visuelle, jouant entre fascination et contrôle. Ainsi, des personnalités comme Charcot, Marinescu ou Barraquer deviennent des figures incontournables de cette nouvelle conception de la médecine et du cinéma. Les images de patients regardant directement l'appareil photo, montrant une sérénité apparente qui contraste avec la souffrance impliquée, sont un exemple clair de cette combinaison entre l'héritage des pratiques physionomiques du XIXe siècle et les codes établis par le portrait photographique de l'époque.
« A cos obert » réfléchit sur l'évolution de notre perception du corps à travers les avancées technologiques et artistiques. Née des contributions présentées lors du 14e Séminaire international sur les antécédents et les origines du cinéma , organisé par le Musée du Cinéma et le Groupe de recherche sur les origines du cinéma (GROC) de l'UdG en novembre 2023, l'exposition propose un parcours visuel et conceptuel. qui défie à la fois la science et l’art.
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